Priorité III - Lutter contre la précarité énergétique avec le scénario “1 million“ du collectif STOP Exclusion Energétique
La précarité énergétique dans le logement, c’est-à-dire la difficulté à s’acquitter de ses factures d’énergie et à se chauffer convenablement, concerne 12 millions de Français. Il s’agit d’un fléau social, environnemental et sanitaire majeur, que la crise sanitaire est venue amplifier : les impayés de factures d’énergie ont augmenté de 18 % entre 2019 et 2020 et ont entraîné 672 000 coupures d’électricité ou de gaz en 2020. Les hausses vertigineuses des prix de l’énergie en 2021 n’ont fait qu’accroître le nombre de personnes dans cette situation.
Or, les foyers les plus précaires sont également les plus éloignés des aides publiques et par conséquent les moins enclins à réaliser des travaux de rénovation énergétique dans leur logement. Selon un sondage réalisé à la demande du groupe Hellio par l’institut Harris Interactive en novembre 2020, seuls 10 % d’entre eux déclarent avoir réalisé des travaux de rénovation énergétique dans leur logement dans les 12 mois précédant l’enquête.
Pour sortir de la précarité énergétique les 3,5 millions de ménages qui connaissent des difficultés à payer leurs factures d’énergie, tous les acteurs de la rénovation énergétique des bâtiments doivent se mobiliser. Dans le courant de la présente mandature, le soutien financier de l’État s’est incontestablement fait plus massif, notamment avec la montée en puissance du rôle de l’Anah, de la distribution de l’aide MaPrimeRénov’. Celle-ci n’a cependant pas permis aux ménages les plus modestes de bénéficier de travaux de rénovation énergétique globale. Le “reste à charge“ qui s’élève en moyenne à 10 % du coût des travaux rend en effet inaccessible la possibilité de sortir de la précarité énergétique pour des familles qui vivent parfois avec moins de 10 € par jour. L’aide Habiter Mieux Sérénité dédiée à la rénovation globale pour ces ménages est, elle, peu lisible et moins facile d’accès. Transformée en MaPrimeRénov’ Sérénité au 1er janvier 2022, ses modalités de distribution sont encore à éclaircir.
Pourtant, des solutions financières et opérationnelles existent. En combinant la relance de la construction de logements performants énergétiquement avec des aides sociales immédiates revalorisées pour alléger les factures d’énergie, et des solutions systémiques comme la rénovation globale et performante des logements, il est possible d’éradiquer la précarité énergétique d’ici 2030.
Les propositions qui suivent sont issues du scénario “Sortir 1 million de personnes de la précarité énergétique par an” réalisé par le collectif STOP Exclusion Energétique, fondé en 2019 dont le groupe Hellio est membre et contributeur financier et technique. Ce collectif réunit 60 organisations de la solidarité, des territoires, de l’écologie, de l’économie et de la recherche, publiques et privées, engagées dans la lutte contre la précarité énergétique. Elles œuvrent ensemble à l’élaboration de solutions et sont soutenues par 50 députés de toutes sensibilités.
Mettre en œuvre une politique d’identification et d’utilisation des données énergétiques
La lutte contre la précarité énergétique n’est pas simplement qu’une question de financement. La difficulté première consiste à identifier et localiser les personnes en situation d’exclusion énergétique, parfois “invisibles” des services sociaux. Une fois identifiées, la prise de contact avec ces personnes a plus de chances d’aboutir avec des tiers de confiance.
Proposition 14Renforcer les moyens d’action humains et financiers de l’Observatoire National de la Précarité Énergétique (ONPE)L’ONPE est une structure institutionnelle d’observation de la précarité énergétique en France, mise en place le 1er mars 2011. L’ONPE a pour mission de superviser des études confiées à divers organismes et de fournir chaque année un rap-port sur les évolutions de la précarité énergétique en France. Proposition 15Partager les cartographies de la précarité énergétique pour qualifier l’enjeu, territoire par territoirePourrait être utilisé GEODIP, destiné en priori-té aux acteurs locaux (collectivités, agences de l’énergie et d’urbanisme). Ce nouvel outil permet sur une zone choisie d’obtenir des données et de cartographier les indicateurs de précarité énergétique, les caractéristiques socio-économiques des ménages, les principaux indicateurs concernant leur habitat et leur mobilité. Proposition 16Former massivement à l’utilisation d’outils numériques pour définir efficacement territoire par territoire une stratégie contre la précarité énergétiqueProposition 17Créer un service spécifique au sein du service public France Rénov’ pour les personnes en très grande précarité énergétiqueDe grandes avancées sont à souligner depuis le plan de rénovation énergétique des bâtiments rendu public en avril 2018. Parmi elles, le service public de la rénovation énergétique s’est structuré avec le déploiement de MonAccompagnateurRénov’, avec un accès simplifié pour les ménages grâce à l’implantation de guichets physiques et une plateforme numérique unique : France Rénov’. A ce stade, la garantie d’un accompagnement adapté pour les ménages très précaires, dont les revenus annuels sont en deçà de 19 000 € en Ile-de-France et de 14 000 € dans le reste du territoire national, n’est cependant pas assurée. Proposition 18Sensibiliser à la bonne utilisation du chèque énergie et en faire une première étape vers la rénovationDans cette perspective, une procédure de relance des foyers n’utilisant pas le chèque énergie serait la bienvenue, leur rappelant qu’il peut être utilisé pour financer des travaux de rénovation énergétique de leur logement, et qu’il est cumulable avec les autres aides existantes. Proposition 19Développer les outils numériques de mesure et de pilotage de l’énergie dans tous les logements (individuels et collectifs), y compris chez les plus précairesCette évolution est d’autant plus souhaitable que le dispositif MaPrimeRénov’ se borne à afficher aujourd’hui des gains théoriques. C’est une différence sensible avec le programme “Habiter Mieux”, dont les résultats sont fondés sur les diagnostics énergétiques effectués obligatoirement avant et après les travaux. La mesure et le pilotage de la consommation énergétique seront à l’avenir l’une des clés de la réussite des politiques publiques de l’efficacité énergétique, permettant de combattre l’effet re-bond en agissant sur le comportement et d’apporter un gain supplémentaire allant jusqu’à 10 % d’économies d’énergie. Proposition 20Sensibiliser à la précarité énergétique les filières professionnelles en contact avec le publicLes fournisseurs d’énergie doivent former leurs conseillers clientèle à la précarité énergétique et renforcer le nombre des conseillers solidarité dont le rôle est de faire le lien avec les travailleurs sociaux, et les associations de consommateurs qui le demandent, pour celles et ceux qui rencontrent des difficultés de paiement de leurs factures d’énergie. Les Caisses d’allocations familiales, les CCAS et les institutions de retraite et groupes de protection sociale doivent pouvoir identifier les personnes en situation de grande précarité énergétique et mettre en œuvre un suivi des personnes. |